Dans les backstages de Deezer : rencontre avec Achille Nanopoulos

Au Printemps de Bourges 2019, Deezer a organisé un atelier pour présenter aux professionnels Backstage, le nouvel outil de statistiques de la plateforme de streaming. Cette grande annonce a piqué notre curiosité et pour en savoir un peu plus, nous avons posé quelques questions à Achille Nanopoulos, artist marketing manager en charge des labels indépendants chez Deezer. Il est également revenu sur son parcours, déjà impressionnant, a détaillé les initiatives de Deezer sur la découvrabilité d’artistes et nous a donné son point de vue sur les enjeux du streaming. Une interview qui pourra vous en apprendre un peu plus sur les backstages de l’industrie musicale 😉

Peux-tu présenter ton parcours et ton activité aujourd’hui chez Deezer ?

J’ai commencé à travailler chez Deezer en février 2015. Après un stage converti en CDI, je suis parti à Londres pour travailler dans l’équipe « global artist marketing », en charge de la promotion d’artistes internationaux sur Deezer. Je suis désormais en charge des relations avec les labels indépendants à l’international.

Deezer a lancé lors du Printemps de Bourges, Backstage, le nouvel outil de statistiques de la plateforme. Peux-tu nous le présenter ?

Backstage est une plateforme qui permettra aux managers et aux artistes de consulter leurs statistiques de streams, leurs ajouts en playlists et des informations démographiques comme l’âge de leurs fans ou leur ville d’origine. Ils pourront également éditer les pages de leurs artistes et promouvoir du contenu.

Aujourd’hui, Backstage est uniquement accessible par une poignée de managers avec qui nous avons décidé de travailler pour tester l’outil. Il sera lancé publiquement plus tard cette année.

Quels sont les premiers retours des professionnels sur Backstage ?

Les pros sont évidemment ravis d’avoir accès à de telles informations. C’est un besoin vital pour un manager ou un label de connaître quel titre performe le mieux, quel pays il faut cibler pour leurs potentiels concerts, et quel type de playlist leur apporte de la visibilité. Nous espérons pouvoir travailler en étroite collaboration avec eux pour rendre l’outil aussi précis que possible.

En plus de Backstage, quels sont les initiatives et outils mis en place chez Deezer pour mettre en avant la musique indé ?

La relation avec les labels est primordiale pour assurer une bonne visibilité de leur catalogue dans nos playlists. En plus de l’ajout en playlist, les artistes peuvent également bénéficier d’un soutien de Deezer en marketing. Ce soutien peut avoir différentes formes : organisation d’évènements, création de contenu original, sponsoring de posts sur les réseaux sociaux… En fonction du profil de l’artiste, nous actionnons différents leviers pour donner un maximum de visibilité à l’artiste, tout en gardant en tête notre audience et ses attentes.

Deezer a récemment lancé « La Relève », une mixtape originale des talents du rap français. Les plateformes de streaming sont-elles le nouveau média musical ?

La Relève est un projet de notre équipe France et a effectivement contribué à renforcer la position de leader du streaming en France de Deezer. C’était également l’occasion pour Deezer de présenter à son public de jeunes artistes qui représentent le futur du rap français.

Je pense qu’il y a deux étapes à franchir dans l’adoption du streaming. D’abord, l’adoption de la plateforme en tant que telle: nous devons d’abord éduquer les utilisateurs à payer pour de la musique (quelle idée !) et nous devons les aider à se familiariser avec les fonctionnalités de notre application. Ceci reste à mon sens la priorité, car le taux de pénétration du streaming reste encore faible compte tenu de la consommation générale de musique en France.

Effectivement dans un deuxième temps, l’enjeu est de faire comprendre au public présent sur la plateforme qu’ils peuvent également découvrir de nouveaux artistes et en apprendre même plus sur des mouvements musicaux. Je pense que ce deuxième comportement est plus rare, car on s’adresse ici à des passionnés de musique qui maîtrisent déjà suffisamment l’univers du streaming. C’est également pour ça que le streaming n’est pas (encore) le premier espace de découverte musicale (d’après l’IFPI, la radio et la télévision sont encore devant!). La Relève est en effet un moyen de faire comprendre à notre public que nous pouvons être un média musical au delà d’une simple application, mais je ne pense pas que nous soyons LE média musical. Pour développer un artiste, il faut évidemment profiter de tous les médias qui s’offrent à vous.

Avec Feature.fm, il est possible de sponsoriser un titre sur Deezer : comment cela fonctionne-t-il ? Quel est l’impact sur la découvrabilité des artistes indés ?

Feature.fm offre un service de sponsoring aux labels qui souhaiteraient investir dans des campagnes audio sur Deezer. C’est exactement la même logique que sur Adwords: vous investissez un certain budget, et vous êtes débités sur le nombre de streams générés par votre campagne. Ces titres sponsorisés sont inclus dans le Flow des utilisateurs free qui seraient potentiellement intéressés par le titre en fonction de leur profil d’écoute.

Quel regard poses-tu sur le marché de la musique indé aujourd’hui, notamment en streaming, et son évolution ?

Globalement, le marché est en croissance et c’est évidemment une bonne chose pour les indés. Je vois 3 tendances émerger dans le marché de la musique indé aujourd’hui :

– La localisation du contenu permet de voir plus d’artistes indépendants mis en avant ;

– Les indés offrent des services technologiques et financiers innovants qui devraient séduire de plus en plus d’artistes. Ça explique également pourquoi la part de marché des indés augmente en streaming : ce genre de services permet d’avoir des catalogues plus gros, et donc d’augmenter sa part de marché par l’effet de la « longue traine ». Je pense à AWALDitto ou encore Stem : des entreprises qui ont développé des services à tiroirs qui leur permettent de mieux gérer le flux énorme d’artistes qui s’inscrivent sur leur plateforme. On voit désormais de plus en plus d’anciens artistes de majors signer des deals de label services avec ces entreprises, ce qui leur permet d’être beaucoup plus flexibles dans leur stratégie.

– Il y a aussi une segmentation qui est en train de se faire au sein des indés, avec des grands groupes digitaux de distribution d’un côté comme BelieveThe Orchard ou ADA (qui pour certains appartiennent à des majors), et des labels (souvent membres Merlin) qui ont un business model plus traditionnel.

En tant qu’Artist Marketing Manager pour le marché indé, tu es intervenu sur une table ronde en avril à l’AIM Connected, et tu as notamment travaillé avec l’AIM (Association of Independent Music) au Royaume-Uni. Peux-tu nous en dire plus ?

AIM est un organe central au Royaume-Uni et c’est d’ailleurs en les rencontrant que j’ai réalisé que les institutions indépendantes anglaises sont très bien développées. AIM bénéficie de nombreux soutiens financiers (y compris Deezer, YouTube, Spotify & co) ce qui leur permet d’aider beaucoup de labels et artistes anglais en développement, d’organiser des conférences régulièrement, et d’avoir des intervenants internationaux à tous leurs évènements. J’ai été surpris de voir qu’ils facilitent beaucoup la rencontre entre plateformes et labels et qu’ils incitent leurs membres à adopter des best practices du streaming. C’est une association très moderne, ce qui à mon sens donne un bon exemple à tous ses membres sur les voies à suivre pour se développer.

Un dernier mot pour la fin ?

Merci !

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