EU Smart Composer : rencontre avec Antoine Zenoni et Jessica Favarel

En mars dernier, Emily se rendait à Saintes pour intervenir sur un module de formation intitulé « Branding & marketing for composers » dans le cadre de EU Smart Composer. Ce programme européen, soutenu par le LABA et l’Abbaye aux Dames en France, a pour ambition une meilleure intégration des compositeurs de musique classique sur le marché du travail et le dispositif comprend plusieurs temps de rencontres, mais également des modules de formations. Pour en parler, nous avons rencontré Antoine Zenoni, chargé de développement à l’Abbaye aux Dames, et Jessica Faravel, chargée de projets culturels internationaux au LABA. Une interview croisée dense, et riche, qui ouvre de nouveaux horizons. Bonne lecture !

Pouvez-vous présenter votre parcours et ce que vous faites aujourd’hui ?

Antoine Zenoni : Après avoir obtenu un Master 2 en Gestion de projet, Développement et Coopération Internationale à l’Institut d’Étude Politique de Lyon, j’ai rejoint le Pérou pendant quelques années pour travailler dans une ONG de développement et d’éducation populaire. Mon travail consistait à structurer les projets, trouver des fonds, former les volontaires, construire des partenariats et accompagner des projets variés (agricoles, sociaux, humanitaires, culturels) dans toute l’Amérique Latine. Des grandes métropoles, aux communautés autochtones, des Andes à l’Amazonie, j’ai mis toute mon énergie au service de projets humains et citoyens.

À L’Abbaye aux Dames, la cité musicale, j’occupe un rôle assez similaire en tant que chargé de développement. J’ai pour mission de développer les ressources et les moyens d’agir de l’association. J’assure le montage et le suivi des dossiers de financements, la mise en œuvre des projets européens (Erasmus+, LEADER, FEADER, FEDER etc.) et je participe à la conception de projets transversaux visant le développement de toutes les activités de la structure (formation, tourisme, activité artistique et culturelle). J’ai la chance d’exercer un métier qui me passionne au sein d’une structure dynamique, qui déborde de projets pour l’avenir, au service du territoire, du patrimoine et des artistes.

Jessica Favarel : Après plusieurs années à l’étranger en tant que chargée de mission audiovisuelle et culturelle où j’ai coordonné des festivals de cinéma à Porto Rico et à Budapest en Hongrie au sein des Alliances françaises et Instituts Français, j’ai eu l’occasion ensuite de gérer les mobilités et projets internationaux au sein d’un campus à Lyon.

Au LABA, je suis chargée de coordonner les projets de coopération : accompagner, animer et fédérer les partenaires autour d’un projet, faire résonner le projet avec et sur le territoire Nouvelle-Aquitaine. Les profils des partenariats et thématiques sont très variés et c’est ça qui me plaît. Arts visuels, musique, jeunesse, migration, développement local ; j’ai la possibilité dans mon travail de faire croiser des horizons qui n’ont rien à voir et c’est passionnant.

L’international, l’interculturel et l’inclusion des publics sont trois piliers qui m’enrichissent et me motivent au quotidien, en travaillant avec des partenaires qui viennent de partout en Europe, on apprend des méthodes de travail des autres et on se complète sur les projets, c’est le plus challengeant et intéressant.

Je suis aussi amenée à me déplacer beaucoup sur les projets : pour les formations, évènements et réunions. Je pense que c’est très important de se rencontrer en vrai pour faire avancer un projet et aussi pouvoir découvrir les structures et publics locaux en lien avec nos thématiques, c’est là qu’on sent qu’on travaille pour des structures et des personnes.

Le LABA est un pôle de compétences, spécialiste des fonds européens des industries culturelles et créatives. Concrètement, quels sont vos champs d’action et d’intervention ?

Le LABA est un centre d’expertise des fonds européens dans les industries culturelles et créatives avec une équipe d’une dizaine de personnes, avec des profils venant des secteurs de la musique, du spectacle vivant ou encore de l’audiovisuel.

Nous avons plusieurs champs d’action et notre territoire de prédilection est la Nouvelle-Aquitaine même si nous travaillons à l’échelle nationale et internationale.

Nous informons et formons les structures et personnes sur les possibilités de financements européens dans le domaine de la culture et médias, du tourisme, du sport. Nous accompagnons les structures à s’internationaliser.

Nous sommes co-producteur·ices de projets dans différents domaines qui nous tiennent à cœur : l’inclusion, l’entreprenariat, les arts vivants, la gastronomie et le tourisme … A ce titre, nous participons au recueil de bonnes pratiques, recherches documentaires, implication de participants, organisation de formations et d’évènements locaux.

Notre expertise va de l’ingénierie et la conception de projet, la mise en réseaux à la dissémination et l’évaluation, toujours en lien avec nos partenaires en France et à l’étranger.

L’Abbaye aux Dames est un partenaire important du programme EU Smart Composer. Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de votre collaboration, le rôle de l’Abbaye aux Dames ainsi que ses champs d’action et d’intervention ?

L’Abbaye aux Dames, la cité musicale est un Centre Culturel de Rencontre labelisé, qui propose un projet culturel unique articulé autour de 4 grands objectifs :
– Accueillir et mettre en valeur le site, dans la continuité d’influence de ce lieu millénaire d’hospitalité
– Former et transmettre grâce à une approche simple, immédiate et décomplexée. La musique devient un véritable outil de lien social
– Produire et diffuser des concerts dans une quête constante d’exigence
– Développer l’autonomie financière par le déploiement d’activités commerciales

Le Projet EU Smart Composer, c’est pour l’Abbaye aux Dames une opportunité unique de construire une formation innovante, avec des partenaires complémentaires (économie sociale et solidaire, entreprenariat, Gestion de projet culturel) au service des compositeurs et des musiciens de musique savante qui fréquent la cité musicale.

En tant qu’organisme de formation musicale, de résidence artistique, et de soutien à l’émergence artistique, l’Abbaye aux Dames est depuis longtemps convaincu de la nécessité de former et d’accompagner les jeunes musiciens/compositeurs au-delà de la dimension artistique. C’est grâce au LABA que l’Abbaye aux Dames a pu rejoindre l’aventure EU Smart Composer, et accueillir les deux premiers temps forts à Saintes, en résidence.    

  

Le LABA et l’ABBAYE aux dames sont partenaires du projet européen EU Smart Composer. Pouvez-vous présenter ce projet et sa genèse ?

Le LABA travaille beaucoup dans le secteur de la musique : classique, actuelles, jazz et également sur les questions entrepreneuriales liées à l’environnement de la musique. Notre réseau riche de plus de 200 organisations, nous a ouvert les portes vers ce beau projet autour de l’entreprenariat pour les compositeurs en musique. L’Abbaye aux Dames était un partenaire évident au regard de son champ d’expertise dans la création musicale et la formation.

Le projet EU Smart Composer a pour ambition une meilleure intégration des compositeurs de musique classique sur le marché du travail. Le projet a commencé fin 2020 et dure 2 ans et demi et est coordonné par Coompanion Göteborg ek. För. (Suède). Dans ce partenariat complémentaire  on y retrouve la Belgique avec RESEO – European Network for Opera and Dance Education, l’Espagne avec Wazo Sociedad Cooperativa, l’Italie avec Consorzio Materahub Industrie Culturali e Creative  et en France : l’Abbaye aux Dames et le LABA.

Le projet développe la méthodologie EU SMART Composer dont les objectifs sont les suivants :
– soutenir les enseignants de musique dans leur enseignement aux étudiants compositeurs par une méthodologie innovante
– permettre aux enseignants de musique d’acquérir de nouvelles compétences en matière d’image de marque, d’entrepreneuriat et de marketing numérique
– créer un outil pratique pour faciliter le transfert de connaissances entre les enseignants de musique et les étudiants en musique afin d’améliorer leur employabilité.

Qui sont les bénéficiaires de ce programme européen ?

Les bénéficiaires de ce projet sont multiples. Tout d’abord les éducateurs de musique en composition, en interprétation musicale, en chant choral et en direction d’orchestre, en théorie musicale… qui développent leur carrière professionnelle dans des institutions musicales (orchestres, conservatoires, universités, écoles…) et indépendamment (tuteurs privés).
Les institutions de musique sont également bénéficiaires du projet : orchestres, conservatoires, universités, écoles…

Enfin les bénéficiaires finaux du projet sont bien entendu les étudiants en musique : étudiants en composition de musique nouvelle, étudiants en interprétation musicale / direction d’orchestre qui composent de la musique nouvelle.

Le programme a commencé il y a déjà deux ans et se terminera en 2023. Quel bilan pouvez-vous déjà esquisser de EU Smart Composer ?

La création d’une étude, de modules et la première formation nous donne déjà des résultats tangibles sur l’impact sur les groupes cibles de ce projet.

Au niveau des éducateurs/formateurs:  leurs compétences en matière d’image de marque, d’entrepreneuriat et de marketing numérique pour les compositeurs permet une consolidation et une attraction pour le métier plus importante. Des professeurs et éducateurs ont émis leur souhait d’avoir la méthodologie accessible pour leur enseignement.

Au niveau des organismes et institutions musicales, la mise en œuvre des programmes d’enseignement innovants se fait sur le long terme mais les formations-test prouvent que l’innovation et l’horizontalité de la méthodologie sont indispensables pour avoir des structures en phase avec leur temps.

Pour les étudiants en composition et compositeurs mobilisés pour l’étude, le projet a été l’occasion pour eux d’analyser leurs besoins en termes de formation et de susciter leurs intérêts pour la méthodologie. Acquérir l’indépendance, la confiance en soi et l’autonomie sont des compétences essentielles et nécessaires dans un marché économique où les attentes et les exigences professionnelles évoluent continuellement.

Pour les organisations participantes, le bilan est visible depuis le début du projet. Cette innovation dans le domaine de l’employabilité et de l’entreprenariat dans l’enseignement professionnel de la composition offre une grande souplesse d’esprit, de nouvelles collaborations et de nouvelles compétences dans ce domaine trop peu exploré.

Pour les parties prenantes concernées, deux dimensions peuvent être soulignées : d’une part une augmentation de la visibilité des compositeurs à leur égard, trop peu reconnus dans le milieu artistique et institutionnel et d’autre part une prise de conscience de la faisabilité de nouveaux projets autour de méthodologies d’enseignement innovantes.

Quels sont les livrables du programme EU Smart Composer ?

La création d’un cadre de compétences pour les éducateurs de musique, le développement de la méthodologie et des modules EU SMART Composer et la production d’un manuel d’accompagnement, tous ces éléments étant axés sur :
a) L’image de marque (trouver la voix du compositeur ; les valeurs distinctives du compositeur ; stratégies pour que le public identifie un compositeur et sa musique)
b) Entrepreneuriat (faisabilité et durabilité des projets, modèles commerciaux, toile maigre),
c) Marketing numérique (stratégie commerciale dans les médias numériques, médias sociaux comme canal de distribution, développement, mesure et analyse du contenu pour les médias sociaux).

Aussi, des temps de formations sont au programme : une formation destinée aux éducateurs/formateurs ayant eu lieu en mars dernier, une formation destinée aux compositeurs qui aura lieu au mois de septembre à Matera en Italie pendant 5 jours.

Enfin, des évènements de dissémination pour présenter et diffuser les résultats du projet aux parties prenantes (organismes de formation, pouvoirs publics, enseignant·e·s, compositeur.ice.s, étudiants en composition…)

Dans ce cadre, Emily a participé à la construction du programme de formation (pour la partie sur le branding et le marketing) à Saintes en mars derniers. A quels besoins des compositeur.ice.s avez-vous souhaiter répondre avec ce module ?

La stratégie de marque et le marketing permettent de se concentrer sur le compositeur en tant que personne, ses valeurs, son talent et sa vision. À une époque où les grandes entreprises internationales se concentrent sur le volume et disposent de fonds illimités pour investir dans l’IA (et plus encore), ce qui diminue encore la valeur perçue de la musique et la réduit à un « contenu » (et les artistes à des « créateurs de contenu ») dans l’esprit collectif, les besoins en stratégie de communication pour les compositeur.ice.s sont indéniables.

Grâce à l’étude réalisée par RESEO dans le cadre de ce projet, portant sur les compétences en branding et marketing digital des compositeurs, le constat a été que les formations et les compétences sont manquantes voire inexistantes et que l’intérêt porté à ces questions est faible.

Mettre en œuvre un plan de communication, savoir se raconter au monde, connaître ses valeurs, savoir écrire sa biographie, créer son identité graphique, connaître l’existence des outils digitaux sont des éléments clefs pour créer sa communauté.

Le module développé par Emily Gonneau a pour objectif de donner les bases aux structures et éducateurs en lien avec des compositeurs pour travailler autour du branding et marketing de ces derniers.

Son module permet de proposer du contenu concret et de donner des points de départ de discussion. Les éducateurs qui accompagnent les compositeurs peuvent s’en emparer et souligner l’importance de ces dimensions en ayant accès facilement aux informations et éléments de base sur ces thématiques.

Il a été indispensable pour le développement de ce module de faire participer une experte de l’industrie musicale et du marketing digital et branding. Son profil transversal, spécialisé dans le conseil/ la formation autour des outils du web et des stratégies numériques d’une part et sa solide expérience auprès d’artistes, a été d’une grande richesse pour le projet. Les participant·e·s à la formation se sont ensuite aisément emparé des contenus et ont développé leurs propres exercices pour mettre en pratique les savoirs acquis.

Un dernier mot pour la fin ?

Si vous êtes compositeur·ice·s, enseignant·es en composition et intéressé·e·s par le projet, n’hésitez pas à nous suivre pour être au courant des actualités du projet sur notre site Internet et Facebook !

Merci beaucoup à Emily pour sa participation !

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