On file dans le nord de la France à la rencontre de Marion Tanguy, coordinatrice des formations professionnelles au Filage à Lille. Créer des synergies et mettre en commun les savoirs et idées de chacun sont les objectifs de cette association, spécialisée dans le théâtre et la danse. Aujourd’hui, la structure polyvalente est présente sur plusieurs fronts, de l’accompagnement d’artistes et de compagnies aux formations professionnelles. Après avoir donné une formation de 3 jours au mois de mai dernier sur la communication web pour les lieux et évènements culturels, nüagency se rendra au Saint-Ex à Reims, en partenariat avec Filage, pour donner cette même formation les 6 & 7 décembre prochains.
Pouvez-vous nous présenter Filage et ce que vous y faîtes ?
L’idée de départ de l’association, était de permettre à des administrateurs et administratrices de production de mettre leurs forces en commun avec un espace et des équipements partagés, mais également de rompre l’isolement de notre métier.
Nous pourrions ressembler par certains points à un bureau de production mais dans le détail le fonctionnement est différent. Chaque personne est totalement indépendante puisque directement salariée par les compagnies. Les limites de nos missions avec les compagnies varient d’une personne à l’autre selon nos compétences individuelles. La multiplicité de nos profils est notre force.
Nous cherchons également à créer un cercle vertueux autour des pratiques administratives en spectacle vivant. Échanger nos savoirs et compétences mais aussi les transmettre à d’autres via les formations professionnelles ou les rendez-vous conseils que nous faisons avec les compagnies. Nous intervenons aussi sur le territoire des Hauts-de-France pour apporter notre expertise aux communautés d’agglomération dans leur projet de résidence artistique. Nos adhérents sont principalement les compagnies pour lesquelles nous travaillons mais nous avons un réseau de structures/compagnies qui nous soutient depuis plusieurs années maintenant.
Pour ma part, je m’occupe essentiellement du volet formation professionnelle. Etant la seule salariée sur cet axe, j’essaye au mieux de comprendre les problématiques des participants pour pouvoir les aiguiller dans leur nouveau projet de vie ou dans leur volonté d’acquérir de nouvelles compétences tout en gardant une veille active sur les thématiques qui pourraient intéresser les professionnel(le)s. J’essaye de rendre les formations le plus flexible possible pour qu’on ne laisse personne de côté.
Comment décririez-vous la scène musicale et l’environnement culturel de Lille et quelles sont leur particularité ? Quelles sont les problématiques spécifiques des acteurs culturels avec qui vous travaillez ?
Nous avons la chance en région lilloise et plus largement en région Hauts de France, d’être relativement bien dotés en équipements culturels. Nous passons facilement la frontière pour suivre les saisons des scènes belges, ce qui est une ouverture bénéfique pour notre secteur.
Filage a construit son réseau dans le domaine du spectacle vivant (théâtre et danse). Cela s’est fait par affinité artistique, aucun cahier des charges n’avait été établi. Nous ne sommes pas spécialistes de la scène musicale mais pour être passée de la musique au théâtre, je peux tout de même remarquer que le terreau associatif en métropole lilloise est réellement dense et structuré.
Comme partout, les fonds viennent à manquer pour poursuivre des actions d’accompagnement mais les acteurs culturels tentent au maximum de mutualiser leurs compétences pour faire naitre de nouveaux projets. Il est toujours difficile de faire comprendre aux subventionneurs que le travail d’accompagnement de compagnies ou groupes émergents demande du temps sans être rentable pour les équipes artistiques et administratives.
Nous avons tous la volonté d’aider le développement de projets artistiques mais cela est difficile dans un contexte où les fonds ne sont pas suffisants pour payer les équipes. Faire grandir des projets artistiques est un accompagnement sur la longueur, on ne peut pas exiger un retour sur investissement dans l’année qui suit. Ces réalités économiques nous astreignent à une certaine retenue dans le choix des compagnies avec lesquelles nous travaillons.
En spectacle vivant, la majorité de nos ressources provient de financements publics ce qui implique une visibilité à court terme sur nos budgets. Si les grandes structures culturelles questionnent leurs financements et arrivent à faire bouger les lignes, le modèle économique des compagnies (petites et moyennes) est dépendant des financements publics. La transition est beaucoup moins avancée que dans le domaine des musiques actuelles ou des arts visuels.
Cela s’en ressent aussi du point de vue des formations. Nous avons énormément de petites compagnies en région qui n’existent qu’avec un(e) salarié(e) qui se doit d’être ultra-polyvalent(e). Il devient de plus en plus compliqué à ces personnes de se libérer du temps pour la formation alors que c’est un réel besoin ne serait ce que pour réfléchir à de nouvelles options pour le développement des projets.
Filage est un important organisme de formation : pouvez-vous nous parler de vos axes thématiques et du public que vous visez ?
Au tout début, les formations professionnelles se destinaient aux salariés en contrat jeune dans le secteur culturel. Les formations universitaires n’étaient pas si répandues (depuis plusieurs masters ont été créés en région) et le tissu associatif étant construit autour de personnes bénévoles, nous étions sur un savoir empirique. Les formations permettaient de formaliser les choses et d’assurer des bonnes pratiques.
Désormais nous avons autant des demandeurs d’emplois en reconversion (et oui la culture attire toujours autant) que des salariés en contrats aidés hyper formés mais manquant de confiance en leur capacité technique, mais aussi des salariés désireux de monter en compétences. Nous tachons de rester sur notre expertise qui est l’administration et la production mais j’ai voulu impulser davantage de communication et notamment numérique car c’est un point sur lequel les compagnies sont encore en retard par rapport au domaine musical.
Nous mettons un point d’honneur à proposer des formations de qualité animées par des personnes en poste dans le milieu culturel mais qui nous apparaissent comme des personnes ressources. Le savoir-faire est là, il faut juste réussir à le mettre en synergie.
En quoi consiste l’accompagnement d’artistes au Filage ? Et quelles sont les modalités/la marche à suivre pour être accompagnés ?
Nous avons un processus relativement simple. La compagnie nous envoie une demande par mail en exprimant ses besoins actuels. Deux personnes du collectif la rencontre pendant une heure, totalement gratuitement, et à l’issue de ce rendez-vous conseil, nous reparlons toutes ensemble du projet. Si l’une d’entre nous veut suivre le projet, elle le fait ou si nous n’avons pas les réponses en interne, nous essayons d’orienter la compagnie vers une personne ressource de notre réseau. Nous ne travaillons qu’avec des compagnies qui nous plaisent artistiquement. Les administratrices de production étant indépendantes, il nous paraît indispensable d’être en adéquation avec le projet artistique pour mener à bien le travail administratif.
Nüagency a donné une formation de 3 jours au Filage en mai dernier, et les 6 & 7 décembre, nous nous exportons avec une formation au Saint-Ex de Reims. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce partenariat ?
Le partenariat avec Nüagency s’est fait assez simplement. J’avais repéré votre travail lorsque j’étais encore dans le secteur musical et nous avions échangé sur nos pratiques. Quand l’occasion s’est présentée de faire une formation ensemble, je n’ai pas hésité un seul instant. Je suis persuadée qu’une pratique éclairée des outils du numérique et plus précisément du web est indispensable pour faire exister les propositions artistiques. Filage devait proposer cela à son réseau.
Pour ce qui est du Saint-Ex à Reims, l’histoire remonte plus loin. Plusieurs personnes du collectif Filage ont des liens avec Reims et nous connaissons très bien Géraldine Taillandier, la directrice de St-Ex. Nous la faisions intervenir sur nos formations professionnelles et leur structure très innovante a toujours accepté de nous accueillir lorsque nous en avions besoin. C’était dans l’ordre des choses de nous exporter chez eux.
Un dernier mot à rajouter ?
Sur une note plus légère, la musique de la semaine au bureau!
© Propos recueillis par Clara Pillet