Music business inside : rencontre sans langue de bois avec Elsa Bendhif

Elle est cash, sans concession et c’est pour cela qu’il nous a paru impératif de lui poser nos questions : Elsa Bendhif est une franche-tireuse connue et reconnue du milieu de la musique indé; son parcours éclectique d’une absolue cohérence. Si vous vous avez toujours voulu lire l’avis sans langue de bois d’une professionnelle évoluant loin des paillettes pour oeuvrer au quotidien auprès d’artistes en développement, n’en jetez plus. 

Peux-tu revenir sur ton parcours en quelques étapes clés et résumer en quoi consiste ton métier ?

J’ai eu un parcours associatif assez dense où j’ai pu m’essayer à pas mal de boulots du secteur musical : management d’artistes, booking, organisation de spectacles… J’ai ensuite travaillé dans un réseau de  musiques actuelles, le RIF, puis sur de l’accompagnement d’artistes à FGO-Barbara. Je suis restée quelques années à Mains d’Oeuvres, au poste de responsable du pôle musique sur la programmation et la production de concerts. Aujourd’hui, j’assure des missions en free lance et je me forme de manière plus accrue à l’administration de spectacle. 

Tu travailles avec des artistes depuis des années maintenant, quels sont les changements majeurs liés à internet que tu as remarqués, à la fois chez les artistes et dans ton métier au quotidien ?

Beaucoup moins de CD au courrier!!! C’est pas mal, déjà, même si l’objet physique a son charme tout de même, ça fait mal au coeur de jeter plus de 80% de ce qu’on t’envoie, mais c’est parfois franchement mauvais malgré tout le temps, l’énergie et l’argent investis par certains groupes. Du coup, beaucoup plus de mails et de liens d’écoute qui  viennent saturer ta boîte mail ! 

Plus positivement: une super autonomie pour les artistes ! Moindre coût pour diffuser leur musique en tout numérique, autoproduction, autopromotion, financement participatif, gestion directe des ventes et du streaming…

L’artiste est aux manettes de son propre business. Un effort plus poussé dans la vidéo aussi. L’EP est toujours assorti d’un clip plutôt recherché, on sent que l’image et  la circulation sur le web sont devenues presque systématiques. 

Qu’est-ce qui te décide à accompagner un ou une artiste ?

Tout le monde peut se déclarer « artiste », aujourd’hui et a les moyens de s’autoproduire si bien qu’il est impossible de tout suivre et de tout écouter. Le choix se révèle assez difficile et chacun fait à la hauteur des ambitions et des objectifs de la boîte dans laquelle il bosse. De mon côté, j’ai toujours fonctionné à 50% d’artistique et 50% d’humain. Je me suis toujours dit que même si un son défonçait tout, je ne bosserai jamais avec des cons. Et vu le nombre croissant d’artistes aujourd’hui, je ne me priverai pas de cette sélection. 

Après, les artistes doivent être autonomes un minimum et proactifs sur leur développement de carrière. On les accompagne pour être indépendants pas pour avoir une nounou ou une deuxième maman qui leur mâche tout le travail. C’est un respect mutuel à avoir. Je respecte énormément le processus créatif que j’essaye au maximum de préserver en donnant des conditions de travail qui libèrent l’esprit et permettent à tout le monde de manger, mais les stars à gros melon qui te considèrent comme une secrétaire, très peu pour moi ! 

Qu’est-ce qui selon toi fait la singularité d’un-e artiste ?

Je suis de celles qui pensent que tout le monde peut être artiste. Nous sommes tous créatifs si on s’écoute vraiment. La singularité d’un artiste, c’est le fait d’être comme tout le monde mais d’avoir fait plus de chemin sur cet aspect-là, parfois au détriment d’autres pans de sa vie…

Après, c’est aussi accepter la place que l’on peut prendre et donner à la musique. C’est parfois plus sage de rester dans sa cave : les  génies, c’est pas si courant que ça. 

Aurais-tu un conseil particulier à donner aux artistes en développement cherchant à se professionnaliser ?

De ne rien lâcher, car c’est un milieu difficile. De ne pas perdre l’envie et le plaisir de jouer de la musique qui doit rester central dans leur projet. D’être ouverts aux autres, à l’inconnu, aux autres arts… D’être impliqués et militants dans ce qu’ils font : la musique peut faire bouger des tas de choses. Toujours garder en tête que la musique peut être un don pour celui qui la joue mais aussi celui qui la reçoit. 

© Propos recueillis par Emily Gonneau

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