Mutants Merveilles : rencontre avec KATEL, « artiste-entrepreneuse »

Artiste multi-casquettes, KATEL est partout à la fois ! Nous avons le plaisir de l’accompagner depuis presque un an sur la stratégie digitale de son nouvel album qui sortira le 30 avril prochain, magnifiquement intitulé « Mutants Merveilles », et alors que trois singles sont déjà sortis, nous lui avons posé quelques questions pour en savoir plus sur cet album et sa genèse, mais également sur son parcours très riche et ses nombreuses activités. Un entretien fleuve, absolument passionnant, militant et inspirant.

Peux-tu te présenter, ton parcours et ce que tu fais aujourd’hui ?

Mon parcours a toujours été dans la musique. J’ai commencé par faire des groupes à 18 ans, j’ai signé mon premier contrat dans une major avec l’un d’eux à 23 ans, et à part une année de transition pendant laquelle j’ai repris des études de lettres, je n’ai vécu que de la musique, ou de ses à-côtés. J’ai notamment fait mes 2 premières intermittences en étant aussi roadie, j’ai aussi été musicienne pour d’autres, ou j’ai rejoint le trio belge Joy de Marc Hughens (Venus) entre deux de mes albums.

J’aime faire beaucoup de choses différentes, et ne pas dépendre de ma seule musique pour vivre, pour garder la liberté de faire ce que je veux quand je veux.

Je suis artiste avant tout, j’ai sorti 3 albums mais je suis aussi réalisatrice d’albums, co-fondatrice du label FRACA !!!, éditrice des éditions Rospiko. J’ai également un studio d’enregistrement avec Tatiana Mladénovitch qui s’appelle Mutterville, je suis aussi engagée dans le programme de mentorat MEWEM et je suis commissaire dans la nouvelle commission à l’Egalité Femme-Homme de la SACEM. J’écris aussi de la musique instrumentale pour des podcasts.

Le 30 avril, tu sortiras ton 4e album, ‘Mutants Merveilles, et d’ici là, tu vas sortir plusieurs singles et clips. Peux-tu nous présenter ce projet ?

« Mutants Merveilles » a été écrit en grande majorité pendant le premier confinement. J’ai été seule pendant plus d’un mois, ce qui ne m’arrive jamais normalement, j’étais même depuis un moment dans un bouillonnement d’activités qui ne laissaient pas beaucoup de place à l’écriture et à la composition. Mais cet arrêt soudain de tout, ce temps qui s’est ouvert, et qui a d’abord été douloureux, est devenu un temps où j’ai pu donner forme artistique aux choses qui me traversaient, les émotions, les réflexions, la vision du monde. Je me suis mise à faire un titre par jour, en composant et en produisant en même temps. La thématique qui traverse tout l’album est celle du corps. Le corps intime et le corps social. Avant cet arrêt soudain, les mouvements des Gilets Jaunes, #Metoo, Black Live Matters, les luttes contre les violences policières, contre le réchauffement climatique, tous ces mouvements étaient des cris du corps, des attaques faites au corps, des libérations, des luttes, des mutilations. Et puis soudain, tous ces corps enfermés dans un même consensus lié à une question de vie ou de mort qui concernait tout le monde sans débat possible. C’était d’une violence inouïe, et ça continue de l’être. L’album s’ouvre avec « Sauf qu’on l’arrête », qui parle directement des violences policières, du monde qui se réfugie dans les croyances les plus obscures, mais aussi de la force de la résistance et de l’opposition à une certaine marche du monde.

Musicalement, j’ai laissé libre cours à toutes mes envies, sans aucun sur-moi, aucune censure, ce qui donne un album très éclectique mais lié par quelque chose de nouveau, un groove, un mouvement qui lui aussi est celui du corps. Et puis par la voix, qui reste mon instrument favori.

Depuis l’année dernière, nous travaillons avec toi et ton équipe sur la stratégie digitale liée à la sortie de cet album. Quels étaient tes besoins en matière de numérique ?

Il n’est presque plus possible aujourd’hui pour un artiste d’exister sans faire partie de cette toile de réseaux sociaux. Soit on le subit, ça reste tout de même mon sentiment premier, soit on s’en empare comme d’un média, un médiateur de ce qu’on a à dire, à proposer, de sa vision, de son image. Je suis totalement allergique aux discours marketing, je crois qu’il y a dans tout ça une illusion totale qui ressemble à celle qui fait croire aux amoureux du capitalisme que celui-ci contient en lui-même son propre outil de régulation. Je crois que mon vrai besoin était de parler avec des gens qui pouvaient me donner un peu envie et me sortir de ma réticence totale.

J’ai rencontré Emily Gonneau avec le programme de mentorat MEWEM, et le simple fait de pouvoir échanger avec quelqu’un d’aussi brillant, elle-même rétive à plein d’aspects du numérique, m’a permis de me réconcilier un peu et de pouvoir m’emparer de ces outils. Comme par exemple, prendre des temps de parole plus adaptés au mien, comme les podcasts autour de chaque titre de l’album. Même si je suis loin du compte et que je suis toujours dans un rapport de montagnes russes par rapport à ça, avec de fortes poussées, sinon de rejet, au moins de désintérêt total. La régularité étant la mamelle de cette bête que sont les réseaux, je suis encore loin du compte, mais c’est ainsi.

Le second single de l’album, intitulé ‘Rosechou’ est sorti le 26 février dernier. De quoi parle ce titre ?

Rosechou est central dans ce cri de libération du corps. Il aborde la question du genre, du non-genre, de la fluidité, du vieux monde qui ne veut rien savoir et de celui qui éclot et se moque de ce qui le précède. C’est un titre solaire, dansant, un appel à la joie militante.

Ton album sortira sur ton label Fraca !!!, co-fondé avec Robi et Emilie Marsh. Quelle est la démarche de votre label ? Et quels sont les projets que vous accueillez ?

FRACA !!! est la continuité d’un mouvement informel d’entraide entre femmes dans la musique qui se faisait lui aussi dans un esprit de fête et de partage. Nous avons voulu au départ mettre nos forces en commun pour produire nos albums, puis nous avons eu envie de les suivre jusqu’au bout, la fabrication, la promotion, l’image, être totalement libres artistiquement. Et la suite logique était d’en faire profiter d’autres artistes.

C’est un label qui rémunère mieux les artistes et un label où ils sont libres artistiquement. Nous sommes un label de bénévoles, nous mettons toutes les trois notre énergie dans les albums que nous produisons, les nôtres ou ceux des artistes que nous signons. C’est un travail de longue haleine, chronophage, et nous avons aujourd’hui envie de travailler de manière plus souple et plus régulière : sortir des titres d’artistes en les produisant, en en faisant la promotion, en partageant les bénéfices à égalité avec l’artiste, en le laissant libre de continuer ou pas à travailler avec nous et vice-versa. Tenter des choses sans toujours se lancer dans la lourdeur d’un album, le faire au bon moment. Ça nous permettra de faire plus de développement, de nous amuser, d’être dans le désir de créer et celui de faire vite exister ce qui se crée.

Ingénieure du son, tu as aussi monté ton propre studio d’enregistrement et tu réalises/arranges/mixes des titres pour d’autres artistes. Peux-tu nous en dire plus sur ta démarche ?

Dès mon premier album, j’avais demandé à mon éditeur de l’époque, Warner Chappell, de m’acheter du matériel de studio plutôt que de payer un studio pour aller enregistrer des titres, en prétendant que j’allais enregistrer moi-même. C’était une méthode que j’ai beaucoup appliquée par la suite qui dans un vieux proverbe se nommerait « mettre la charrue avant les bœufs » puisque je n’avais jamais rien enregistré autrement que sur un mini enregistreur. J’ai décidé que je saurai le faire, je me suis plongée dans les recherches pour savoir quel matériel j’allais acheter, j’ai foncé et j’ai enregistrés les 3 quarts de l’album seule. Mais je n’avais pas encore cette notion de « réalisatrice » en tête.

J’ai ensuite enregistré et mixé le premier 4 titres de Arlt, puis Maissiat m’a demandé de réaliser son premier album, et d’autres artistes sont venus vers moi, pour réaliser/enregistrer et/ou mixer. C’est devenu une vraie passion pour moi depuis quelques années. Comprendre ce qui fait l’essence d’une musique, de quelle manière la mettre en forme, quel son va rendre le projet singulier. Mettre l’artiste dans les meilleures conditions de confiance, libérer sa créativité. J’apprends à chaque fois autant que je donne, c’est un enrichissement mutuel. Cette année, j’ai trois magnifiques disques en cours, et j’ai beau savoir qu’il faut que je me concentre sur la sortie du mien, j’aime trop travailler avec les autres pour dire non. Et puis j’aime trop faire de la musique pour ne faire que promouvoir la mienne !

Pour la seconde année consécutive, tu es mentore au sein du programme MEWEM de la FELIN. Quelles sont les raisons qui t’ont motivé à intégrer le programme ? Et quel bilan peux-tu déjà faire de cette expérience ?

J’étais très touchée qu’on me demande, puisque les programmes de mentorat permettent à des femmes aguerries dans leur secteur de faire profiter à des jeunes entrepreneuses de leur expérience, de leur vision, de leur réseau. Mon profil est atypique puisqu’il n’est pas celui d’une spécialiste dans un seul domaine mais plutôt d’un ensemble de compétences mises en lien pour être comme on le dit aujourd’hui « artiste entrepreneur.s.e » (ce dernier mot étant à prendre de manière positive ce qui n’est pas toujours évident quand on vient d’un milieu profondément ancré à gauche).

La reconnaissance de ce type de profil était importante, d’autant que mes deux mentorées ont le même profil ! Je commence tout juste à travailler avec Vicky R puisque la deuxième année vient de commencer, et Harmony Suard, ma première mentorée, est devenue label manageuse de FRACA !!! depuis le début de l’année, en plus de ses multiples compétences d’artiste, de musicienne, de manageuse, de créatrice de festival…

La question 8 mars : à ton avis, quels sont les grands enjeux de l’industrie musicale face aux violences sexistes et sexuelles (toute l’année…) ?

Les choses commencent à bouger, mais je pense que la vraie différence se fera avec la parité à tous les postes de l’industrie. Et un code de conduite, le temps que celui-ci devienne une évidence pour tous.

Une exclu à révéler à nos lecteur.ices sur ton actualité à venir ? 😉

J’adorerais pouvoir annoncer une tournée. Laissez-nous faire des concerts !

Un dernier mot à ajouter ?

J’aimerais beaucoup écrire de la musique pour un film (C’était le moment petite annonce.)

Vous pouvez suivre l’actualité de KATEL sur Facebook, Instagram et son site Internet. Idem pour Fraca!!! dont vous pouvez retrouver les activités sur Facebook et Instagram.

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