Chez nüagency, on a la bougeotte et nos formations nous emmènent un peu partout en France. Nous avons commencé l’année 2020 avec un cycle de 4 journées à la Cité Musicale-Metz. Au programme : la stratégie web, la newsletter, les réseaux sociaux et les profils de fans, pour les membres du tout nouveau Cluster Musiques Actuelles de Metz et les artistes soutenus par le programme Impulse !. Nous avons donc profité de l’invitation de Pierre Bertrand, directeur délégué aux musiques actuelles de la Cité Musicale-Metz pour lui poser quelques questions sur ses missions au sein de cette structure majeure, les spécificités de la scène musicale messine, et le développement du Cluster. Ça bouillonne à l’Est !
Crédit : Bold Magazine
Peux-tu présenter ton parcours et ce que tu fais aujourd’hui ?
Après une formation initiale à la fac sans grand rapport, j’ai tout de suite travaillé comme programmateur pour un Café musique à Paris avant de partir vivre un temps en Amérique du Sud.
A mon retour, j’ai poursuivi mon parcours dans ce domaine, d’abord à la tête d’un réseau départemental de lieux, membre du RIF, puis d’une salle à Montreuil avant de m’exiler à Epinal dans les Vosges, pour porter, dans un cadre de vie plus serein pour élever notre fils, le projet de création de la SMAC la Souris Verte et la diriger à son ouverture. Aujourd’hui, je m’occupe de la BAM et des Trinitaires pour la Cité Musicale-Metz.
Quelles sont les missions de la Cité Musicale-Metz et sur quels domaines interviens-tu ?
La Cité Musicale-Metz est une grande maison, en cours de construction, celle de toutes les musiques à Metz. Elle comprend un orchestre (l’Orchestre National de Metz), l’Arsenal (une salle surtout de musique classique) et deux équipements dédiés aux musiques actuelles dont j’ai la charge.
Les Trinitaires est le lieu historique, cher aux messins, en centre ville dans un ancien couvent, qui comprend trois salles de 99 à 350 places, un cloître, une crypte…
La BAM, conçue il y a cinq ans par Rudy Ricciotti, accueille 1 115 spectateurs et compte 4 studios dont un studio-scène de 120 places. Elle est implantée dans un quartier populaire vivant en périphérie de Metz.
Les deux lieux fonctionnent en pleine complémentarité. On organise 125 représentations/an, 250 groupes y montent sur scène et autant se succèdent dans nos studios. 15 000 spectateurs assistent à un festival d’été durant Constellations. Nous faisons plein d’autres choses et accueillons 55 000 visiteurs au total. Je dirige l’activité de ces deux lieux et le développement de nouveaux projets.
Selon toi, quelle est la particularité de la scène de musiques actuelles messine ?
C’est sans doute une fierté d’appartenir à ce territoire et l’envie simple mais vraie de le faire connaître au plus grand nombre. On y trouve une grande richesse, dans des esthétiques très diverses et une saine curiosité.
Une culture de la bonne musique également. Des projets pas évidents, ni très connus rencontrent leur public sur nos scènes et ça n’est pas le cas partout.
Des activistes, qui entretiennent les flammes, nourries depuis longtemps par des associations historiques comme Musiques Volantes hier ou la Face Cachée encore aujourd’hui.
Des gens volontaires aussi, dans le public, parmi les artistes, chez les acteurs, qui répondent « ouais » quand tu leur proposes un projet. Pas blasés du tout !
Des artistes locaux à conseiller à nos lecteur.ice.s ?
Ceux qui connaissent déjà Chapelier Fou, Cascadeur, Grand Blanc, Le Singe Blanc ou Charge 69 dans des genres très différents, sont prêts pour se tourner vers la nouvelle génération.
La pop légère de Romain Muller, l’électro détonante d’i Sacha (à retrouver au Printemps de Bourges d’ailleurs)… Mais surtout, je conseille les groupes que nous soutenons dans le cadre du programme d’aide au développement Impulse ! : Room Me (dark rock), Pvlsar (pop rock), Bambou (rock ciselé) et K-Turix (rap trap). Et puisque nous parlons cluster, allez voir les catalogues de Meta et Eben productions.
Le Cluster Musiques Actuelles de Metz, situé aux Trinitaires, a été officiellement inauguré le 13 février 2020. Quelle est la genèse de ce projet ?
A mon arrivée, il y a deux ans, j’ai pu constater un fort positionnement de nombreux acteurs sur une activité de diffusion associé à cette fragilité inquiètante des associations du à une baisse de financements, croisés comme ailleurs et sans doute à cette concentration d’activité. L’amont de la filière (production, développement) était peu investi, insuffisamment au regard de la richesse de la scène locale. Un repositionnement était souhaitable, une économie à créer, une activité à développer.
Lorsque j’ai proposé aux acteurs de se réunir pour réflechir à un projet commun, capable de renforcer leur activité et de facililter leur développement, qui bénéficierait aux artistes, j’ai senti un adhésion immédiate et sincère à l’idée, pour elles, de travailler ensemble. C’était évidemment la condition indispensable pour prétendre créer ce cluster autour de l’encadrement des artistes. Très vite, l’idée de construire des bureaux aux Trinitaires, comme spot de ralliement, a émergée. Mais ce qui s’est surtout fait ressentir, c’est la nécessité de construire ce collectif qui allait permettre d’assurer le développement que chacune des structures impliquées ne pouvait espérer individuellement.
Dès le démarrage, la Drac et la Région Grand Est ainsi que le CNV (dorénavant Centre National de la Musique) ont soutenu la démarche en attribuant un financement tripartite de 22 000 €. Et trois mois plus tard, nous sommes en plein dans un lourd programme d’actions :
– de développement de compétences : des formations, du partage d’expérience, du transfert de savoirs-faire dans les domaines de la communication digitale, du booking, de la production musicale, de l’export, de la méthodologie de projet… ;
– de networking : les acteurs, déjà présents à Sonic Visions et aux BIS, se rendront également au Printemps de Bourges, au Womex, au Mama, à la Jimi parmi d’autres rendez-vous pour développer leur réseau ;
– toujours dans cette optique de réseau, mais régionalement, deux jours de rencontres professionnelles, seront organisées aux Trinitaires les 14 et 15 mai ;
– d’outils mutualisés : un logiciel de booking sera utilisé en commun pour leur permettre de partager contacts et infos.
Et pour que cette dynamique profite au plus grand nombre, la création d’un service de paie destiné à soulager les musiciens du territoire dans les tâches administratives et les soutenir dans leur professionnalisation est en court de réflexion.
Par ailleurs, 12 postes de travail connectés sont ouverts aux Trinitaires. Une salle de réunion est disponible.
Quelles sont les 5 structures qui ont rejoint ce Cluster ?
Ce sont des structures qui partagent le même état d’esprit, les mêmes valeurs et restent complémentaires dans leurs champs d’activités. La même bonne humeur aussi. Ce sont leurs forces.
Il y a :
Eben productions ; un label de musiques de l’Est qui fait de la production musicale, de la distribution numérique et du booking.
Kultur’a vibes : une association qui accompagne les projets rap porteurs, positionnée principalement sur la production et la promotion.
Meta : un collectif au catalogue pop/rock/noise/électro qui développe la promotion et se charge de booking.
Sonopraxis : une société qui conseille sur les technologies comme la blockchain ou l’IA, appliquées aux musiques actuelles et aux arts numériques.
Zikamine : antenne régionale Buzzbooster, l’association accompagne ces groupes, gère une webradio et porte le festival Zikametz.
C’est le premier cercle, les fondateurs, les plus investis. D’autres les rejoindront quand les choses seront en place. Nous savons que nous pouvons également compter sur un second cercle d’acteurs qui participera ponctuellement à la démarche, aux actions. Le cluster est également voué à accueillir les groupes Impulse ! qui le souhaitent, des associations culturelles étudiantes ou des étudiants-entrepreneurs (c’est à l’étude).
De janvier à mars 2020, Clara intervient sur 4 journées de formations sur la stratégie digitale et ses différents outils. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de proposer une telle formation aux membres du Cluster ?
C’était nécessaire, d’une part parce que le développement de compétences, notamment dans un domaine en plein évolution comme la communication digitale, est indispensable pour se positionner au sein de la filière. Les acteurs ont ressenti le besoin d’approndir leurs connaissances, d’améliorer leurs savoirs-faire, de mieux appréhender des outils et usages dorénavant incontournables. C’est ce qui est proposé durant ces journées consacrées au positionnement stratégique en effet, mais également à la bonne utilisation des réseaux sociaux ou à pratiquer sa fanbase à partir d’une approche plus fine et pertinente. D’autre part, ces formations constituent le cadre idéal d’échanges et d’interconnaissances qui consolidera leur collectif de travail. C’est un ciment de la coopération.
Un dernier mot à rajouter ?
Le collectif suit un DLA [Dispositif Local d’Accompagnement] dans l’optique de trouver la meilleure forme juridique possible pour porter leur destin commun. Car à terme, l’idée est bien que ces associations préservent leur autonomie en créant la structure backoffice dédiée, qui captera les financements, créera le ou les emplois nécessaires et gèrera l’administratif au service de l’activité de chacune d’entre elles. Le but de cette autonomisation est bien de ne surtout pas remplacer chacune dans son identité et sa spécificité mais bien de porter leurs dévelopements dans la diversité. Le 13 février, à l’occasion du lancement public du Cluster, la Ville de Metz leur a proposé un conventionnement triennal assorti d’une aide de 10 000 €. Ça fonctionne !
La Cité Musicale-Metz, quant à elle, accompagne bien volontiers le processus mais l’initiative doit s’émanciper de notre institution, pour que nous conservions une relation partenariale équilibrée. Bien sûr, nous continuerons de les héberger et nous resterons engagés à leurs côtés sur leurs différents projets. Mais pour jouer pleinement son rôle, le projet doit évoluer en toute indépendance.
Vous pouvez suivre toutes les actualités de la Cité Musicale-Metz sur leur site Internet, Facebook, Twitter et Instagram.
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