Industrie musicale au Nigéria – Rencontre avec François Catala et Olivier Pascal de LAFAAAC

Si le monde parle enfin du Nigéria depuis la percée de CKay dans les charts européens et Français, comme du vivier à plus fort potentiel d\’artistes de stature mondiale, il est important de regarder ce marché de plus près pour y comprendre les enjeux actuels. 

C’est ce qu’ont fait LAFAAAC (L’Académie Franco-Anglophone des Arts Audiovisuels et du Cinéma) et l’EMIC (École de Management des Industries Créatives), qui ont décidé de lancer conjointement un parcours de formation à l’entrepreneuriat dans l’industrie musicale, à destination des futur.e.s professionnel.le.s du Nigéria. Emily a été sollicitée, aux côtés de Myriam Rémond, pour écrire ce parcours de formation innovant à destination de la nouvelle génération de producteurs phonographiques nigériens. Alors que le programme débutera officiellement ce mois-ci, nous avons donc interviewé François Catala et Olivier Pascal, co-fondateurs de LAFAAAC. Ils nous parlent de la genèse de ce dispositif et de son déroulé et de leurs ambitions pour la suite.

Pouvez-vous présenter votre parcours et ce que vous faîtes aujourd’hui ?

François : Avec mon associé, Olivier Pascal, nous avons tous deux une grosse 40aine d’années et avons monté LAFAAAC il y a 4 ans. Précédemment, Olivier travaillait dans un cabinet de conseil et d’études, spécialisé sur le secteur des ICC et des télécoms, pour des clients publics et privés en Europe et en Afrique. Pour ma part, j’ai longtemps travaillé dans le public, au ministère de la culture en France, puis au sein d’un opérateur de l’Education nationale, dont la mission est de créer des ressources et des services pédagogiques via le numérique

Olivier : Aujourd’hui, nous dirigeons et développons LAFAAAC autour de la même idée depuis un peu plus de 4 ans : développer une offre de formation innovante, ludique, aux métiers des industries créatives, afin de rendre ces métiers et les compétences nécessaires plus accessibles, aux centaines de milliers de jeunes créatifs et entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans ces filières (de l’audiovisuel, du web, de la musique, de l’édition, de l’animation, du jeu vidéo, de la mode…).

Quelle est la genèse de LAFAAAC et ses différentes missions ?

François : La genèse de LAFAAAC, c’est le constat que la formation aux métiers et compétences des Industries de la création est très inégalement répartie, alors qu’elles peuvent constituer un très fort levier de création d’emplois et d’activité, et aussi de lien social et d’inclusion ; et ce dans un contexte de forte demande de contenus culturels, notamment locaux. Dans les pays en développement, et singulièrement en Afrique, là où LAFAAAC s’est lancée en premier, il y a très peu d’offres de formation sur ces métiers. Mais le constat peut aussi valoir en France, où l’idée de se former a parfois du mal à toucher les publics éloignés de la formation, des publics empêchés, alors que le mobile learning peut justement être un moyen de renouer avec cette démarche, de manière ludique, légère, mais professionnalisante.

Olivier : A ce titre, LAFAAAC se donne donc plusieurs missions. La première, comme je le mentionnais, c’est de rendre accessible au plus grand nombre des formations d’excellence, de démocratiser leur accès, pour permettre aux projets et aux rêves individuels de se réaliser. La deuxième, c’est qu’en accompagnant un grand nombre de jeunes créatifs et entrepreneurs de la culture, LAFAAAC puisse contribuer à structurer et à professionnaliser les filières dans les ICC, en particulier dans les pays en voie de développement. La troisième enfin, c’est de changer la manière de se former et d’apprendre, de moderniser les modalités pédagogiques. Se former quand on veut, où on veut, avec des jeux : prendre du plaisir en apprenant. 

LAFAAC s’est associé avec l’EMIC pour lancer un parcours de formation à l’entrepreneuriat dans l’industrie musicale à destination des futur·es professionnel·les du Nigéria. A quels besoins avez-vous souhaité répondre avec cette offre ?

François : Déjà, je voudrais souligner que cette association avec l’EMIC est une belle rencontre. C’est une école jeune, comme nous, et qui partage des convictions fortes : l’utilité de former aux compétences entrepreneuriales et managériales, pas uniquement aux savoir-faire métiers, qui évoluent si vite. Et aussi le fait d’embrasser l’ensemble du champ des industries culturelles, tant les problématiques se rapprochent, et les manières de les aborder peuvent se compléter.

Olivier : A l’instar d’autres champs des industries de la création, nous avons constaté qu’il y a au Nigéria un foisonnement créatif très fort dans la musique, mais que ce dernier ne bénéficie pas forcément de l’environnement qui lui permette d’éclore et de se développer pleinement. C’est notamment beaucoup une question de compétences et de formation, à la fois en matière de connaissance de la chaîne de valeur, des rôles de chacun, et des meilleures manières de monter son projet ou de le promouvoir. D’où l’idée de lancer avec l’EMIC et nos partenaires au Nigéria cette formation innovante.

Pourquoi avoir choisi de lancer ce programme au Nigéria en particulier ?

Olivier : Le Nigéria est un pays extrêmement dynamique que nous avons découvert il y a un peu plus de deux ans, et où il y a une énergie presque déconcertante. Tout se fait très vite… et parfois pas de manière optimale. Donc nous avons souhaité apporter des réponses rapides, ludiques, pour parer à ces quelques défauts. Mais derrière, il y a une créativité, des attentes et des besoins très puissants. C’était donc le bon endroit pour lancer cette formation. Par ailleurs, nous avons bénéficié d’un partenariat de confiance avec nos amis du groupe média Wazobia, au Nigéria, et de l’équivalent de Pôle Emploi (Edojobs) là-bas ; et surtout, d’un soutien fort des pouvoirs publics français, dont il faut saluer l’envie et le soutien à l’innovation des sociétés françaises à l’international.

François : L’idée, ensuite, c’est bien entendu de faire rayonner cette formation sur l’ensemble de l’Afrique anglophone, et ensuite, de l’adapter pour qu’elle puisse s’adresser aussi aux professionnels et créatifs de la musique en Afrique francophone. A terme, pourquoi pas adapter cette formation pour la France, et la porter avec l’EMIC, c’est une possibilité que nous discutons en effet, afin d’avoir un impact social, d’augmenter l’effet d’inclusion que peut porter cette formation.

Pourquoi avoir choisi de vous associer à l’EMIC sur ce programme de formation ?

Olivier : Comme je l’expliquais plus tôt, nous nous retrouvons sur beaucoup de terrains avec l’EMIC. L’école nous avait aussi été chaudement recommandé par plusieurs professionnels de la musique. Et le courant est bien passé avec ses fondateurs, qui partageaient l’envie de se lancer, sans avoir à questionner le sujet pendant des mois.

Emily Gonneau a participé, avec Myriam Rémond, à l’élaboration de ce programme. Quels ont été leurs rôles précis et pourquoi avez-vous choisi de faire appel à elles ?

François : Emily et Myriam travaillent déjà avec l’EMIC, c’est donc l’école qui nous les a recommandées. Et nous n’avons pas été déçus. Leur rôle a été et est central : elles ont conçu avec nous et l’EMIC le programme pédagogique, en lien avec nos partenaires nigérians pour bien comprendre la demande locale, elles ont écrit les parcours, conçu aussi le programme de formation renforcée (avec des classes virtuelles et du présentiel au Nigéria), et accompagnés les formateurs nigérians qui vont délivrer ces formations en présentiel.

Qui sont les autres professionnel·les à qui vous avez fait appel pour cette formation ?

Olivier : Nous nous sommes appuyés sur les ingénieurs pédagogiques de l’EMIC, ceux de LAFAAAC, mais aussi beaucoup sur nos partenaires au Nigéria, et notamment le groupe média Wazobia et leur plateforme Clout, véritable hub créatif pour les artistes nigérians. Les équipe de Wazobia connaissent le marché local, ont des ambitions en matière de formation et de montée en compétences des professionnels et des talents au Nigéria : ils ont donc joué un rôle important dans l’adaptation des contenus, l’identification d’experts pour être interrogés et interviewés, ainsi que pour les 5 jours de formation en présentiel au Nigéria bien sûr.

Quels sont les enseignements qui seront abordés et mises en pratique dans cette formation « Entreprendre dans la musique » ?

François : On est très tourné vers le renforcement des compétences entrepreneuriales. Donc on se concentre d’abord sur la connaissance de l’écosystème et de la chaîne de valeur de l’industrie musicale, avant d’aborder les questions de production, d’exploitation commerciale, et beaucoup aussi de marketing et de promotion digitale.

Quel est le déroulé du programme ?

François : Le parcours de formation est mixte. En tout, il y a environ 8h de formation sur mobile, découpé en 5 modules. Ces modules ont été publiés en février, et on a près de 400 apprenants qui ont commencé le parcours. On en a ensuite sélectionné une dizaine, qui vont bénéficier de 10h de Travaux dirigés animés à distance par Emily, en classe virtuelle, et ensuite de 5 jours de formations en présentiel, au Nigéria avec Femi Aribisala et Kmos, pour travailler de manière pratique sur leurs projets, soit en tout près de 40h de formation pour ces 10 apprenants.

Un dernier mot pour la fin ?

Olivier : LAFAAAC est vraiment ravi de cette expérience et d’avoir mis un premier pied dans le monde de la musique ; on a hâte de pouvoir déployer ce programme sur d’autres géographies et de l’approfondir sur d’autres thématiques !

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