L’édition aujourd’hui : rencontre avec Isabel Dacheux

L’édition est un domaine d’activité souvent mal connu au sein de l’industrie musicale, et pourtant, il est primordial. D’ailleurs, le métier d’éditeur.ice continue d’évoluer avec son temps, et aujourd’hui nous mettons en lumière le travail effectué par Isabel Dacheux, présidente de la fédération EIFEIL et fondatrice de la plateforme CréaMusic. Nous avons donc parlé de synchro, de musique à l’image, d’écriture, du CNM et de la place des femmes dans la musique… Et c’est passionnant. Bonne lecture !

Peux-tu présenter ton parcours et ce que tu fais aujourd’hui ?

Après 25 ans d’activité d’éditrice indépendante j’ai obtenu un diplôme d’éditeur par une VAE (diplôme de niveau 1 : master en édition musicale enregistré au répertoire national des certifications professionnelles.
Entre temps, j’ai évolué avec mon métier, mes métiers…

De 1997 à 2007 : productrice et organisatrice de spectacles  (en indépendant) :
• Production et montage de spectacles vivants : Les Chœurs de l’Armée Rouge Alexandrov, Petula Clark, Creamin’ Jay Hawkins, Calvin Russell, Daran, Molecule G, Blankass, Livingstone, Parabellum, Dr Feelgood, Inmates…. et tant d’autres!
• Production de projets internationaux : documentaire sur la préservation des arts et de la culture Cambodgienne avec la participation de Rithy Pan (Arte – Bonus album)
• Production de courts métrages, et de musiques du court métrage Mimi, Réalisé par Aldo Lee et mis en musique par Simon Cloquet-Laffolye et LTD
• Fête de la musique au Cambodge (2007) et à Cuba 52011 et 2012)

De 2012 à 2016 : quelques actions d’expartises:
• Commissaire de la Commission des Comptes et de Surveillance de la SACEM
• Contrôleur judicaire  pour assister Monsieur Ardan, expert judicaire auprès de la Cour d’Appel de Paris dans le dossier de liquidation de la société XIII Bis record (2012-2019)

Depuis 1994 : éditrice et productrice (SCHERZO PRODUCTION) :
• Editrice d’œuvres interprétées par : Johnny Hallyday (3 albums), Florent Pagny (5 albums), Maurane (2 albums), Daran (7 albums), Michel Sardou (2 albums), Merwan Rim, de la musique du film « Monsieur papa », réalisé et interprété par Kad Merad (2011).
• Edition d’albums et de spectacles vivants : Daran
• Production d’albums : Nosfell, Louis Ville, Molécule G, Wil Campa….
• Scherzo est une société de production phonographique et d’édition musicale avec un catalogue de plus de 500 titres.
• Court-métrage « Là où je t’emmènerai » diffusé sur TF1 , Prix Rolf Marbot (2007).

Depuis 2011 : présidente (FÉDÉRATION EIFEIL) :
EIFEIL a été créée en 2011 pour représenter et mettre en réseau les éditeurs de musique indépendants en France.
Elle est un lien incontournable pour la professionnalisation, le développement et la pérennisation de nos métiers, du droit d’auteur et des emplois de ce secteur.
Ses actions permettent de :
– Fédérer de manière transversale l’ensemble des éditeurs de musique et les labels indépendants
– Promouvoir leurs activités auprès des institutions, sociétés de perceptions et de répartition de droits, et diffuseurs
– Favoriser les échanges et servir de passerelle pour des actions communes
– Harmoniser et apporter des aides globales et/ou ciblées et des outils de promotion et de développement de l’activité de ses membres adhérents.
– Organisation d’événements autour de l’édition musicale (EditA), de la synchronisation musicale et de la musique à l’image (CréaMusic et CréaMusic festival).
– Création d’une web radio dédiée aux catalogues des éditeurs indépendants membres d’EIFEIL.

Le métier d’éditeur.ice est parfois mal connu : comment le définirais-tu ?

Le métier d’éditeur de muqiue est un métier souvent méconnu, mais essentiel à la préservation des œuvres, pour l’avenir des créateurs et l’intérêt du droit d’auteur, qui reste LE partenaire indispensable à la création. La musique est bien jouée ? Mais pour qu’elle soit bien jouée, elle doit être d’abord bien écrite. L’éditeur de musique est le seul partenaire chargé de commercialiser l’œuvre musicale et de défendre les droits de ses auteurs. En effet, une œuvre musicale ne peut être connue et diffusée que par une exposition et une exploitation commerciale appropriée supposant un travail préalable de promotion adéquat de l’œuvre.

L’éditeur accompagne le travail de création en amont (commande, projet…), le suit et le développe d’un point de vue commercial. Très souvent avec son propre label, plus de 83% des éditeurs de musique indépendants ont une activité de label, au moins occasionnelle et les labels indépendants deviennent de plus en plus des éditeurs de musique. Il assure également toute la dimension administrative et juridique de la gestion et l’exploitation de la création : dépôt des œuvres, gestion des droits d’auteur, rémunérations…, et mise en relation avec l’ensemble du monde professionnel et les médias.

Tu as lancé CréaMusic en 2017, une plateforme de mise en relation d’éditeurs et d’acteurs de la synchronisation : quelle est la genèse de cette plateforme ?

Le « CréaMusic » est une plateforme numérique permettant aux labels et éditeurs indépendants de faire connaître leurs catalogues auprès des acteurs du marché de la synchronisation et de la musique à l’image du monde entier (publicité, TV, cinéma…). Cette plateforme est alimentée par les catalogues des adhérents d’EIFEIL, mis en avant par des playlists thématiques, constamment renouvelées et largement diffusées par le biais de newsletter, communiqués, réseaux sociaux…

Première solution mutualisée dédiée aux marchés de la synchronisation, le « CréaMusic » permet la promotion d’une vaste diversité de la création musicale. C’est donc un outil d’accompagnement nécessaire et indispensable aux usages de la diffusion musicale à l’ère du numérique pour un très grand nombre d’indépendants, et une nouvelle source de revenus dans un paysage en pleine mutation.

Après deux ans d’activité, quel bilan peux-tu faire de CréaMusic ?

Nous accompagnons toujours certaines structures à se professionnaliser et se mettre en conformité avec les obligations liées à leurs activités tant sur leur label que sur leurs éditions. Et l’impact du soutien du Ministère sur l’activité́ de ces 3 années a été essentiel pour nos projets.
Aujourd’hui les chiffres parlent pour nous !
– nous avons répondu à 51 briefs très différents pour des demandes de synchro sur de la pub, des films de cinéma et des documentaires français ainsi que des séries TV du monde entier;
– 114 Music Supervisors en France et 87 dans le reste du monde nous envoient leurs briefs réguliers ;
– 55 « Track of the week » mettant en avant 1 titre chaque semaine d’un des catalogues de nos membres affichent des ouvertures et une écoute auprès de plus de 90% de nos partenaires Music Supervisors. et plus de 980 titres ont été proposés de façon sélective à la synchronisation ;
– 3 synchro ont abouti en 2019, 3 radios en Europe utilisent nos playlists ;
– et nous sommes sollicités régulièrement par les music supervisor de la Guilde des MS aux USA, ainsi que les sociétés Fred & Farid, TBWA, Prodigious, Sound Division pour les films français indé.

Nous participons à des événements très importants encore pour 2020 :
– BIS à Nantes (Janvier 2020)
– EditA à la Cité de la Musique de Lyon (Mai 2019)
– HO POP Convention, Cologne (Mai 2019)
– MIDEM à Cannes (Juin 2019)
– INDIE WEEK à New York (Juin 2019)
– MaMA à Paris – Pigalle (Octobre 2019)
– A2IM-SYNCHUP à Los Angeles (Novembre 2019)
– CréaMusic Festival (Décembre 2019)

Nous avons développé des séminaires d’écritures qui marchent très bien ! Nous avons organisé 3 séminaires d’écriture cette année à Prailles (79) et aux studio Human aux Frigo (Paris 13), avec les interventions de spécialistes de la création de musiques pour l’image : Arnault Chagnon, directeur du label et des éditions HRCLS Rec – The HoursPublishing de l’agence HAVAS, Philippe Hebrard, D.A chez Chrysalis pendant 10 ans et gérant de Montlhéry Publishing actuellement et Juan Tamayo, DA de Budde Music France. Ces immersions ont permis la création de 25 titres pour répondre à des briefs de publicités et de films et des briefs sur des supports médias qui seront projetés les 12 et 13 décembre prochains lors du CréaMusic Festival.

CréaMusic, c’est aussi un festival dédié à synchronisation et de musique à l’image qui se déroulera au Métronum à Toulouse les 12 et 13 décembre prochain ? Quel est le programme de cet événement et à qui s’adresse-t-il ?

Le festival CréaMusic est le 1er festival international de synchronisation musicale et de musique à l’image. Cet évènement regroupera toutes les actions de la plateforme en prenant la forme à la fois d’un festival et d’une convention : atelier, débats, masterclass, rencontres ou encore ciné-concerts seront à l’affiche. Cet évènement, dédié aux éditeurs, aux créateurs, aux music supervisors et professionnels de la musique à l’image du monde entier, sera l’occasion pour tous de se rencontrer, échanger, et ainsi promouvoir la diversité et la circulation des oeuvres à travers le monde.

Dans ce festival, on parlera des bonnes pratiques des acteurs locaux et internationaux de la musique à l’image avec des music supervisors et compositeurs de musique de film, venus des 4 coins du monde. Il sera aussi question de musique à l’image et nouveaux médias (plateformes, jeux-vidéos, publicités, …), de tracking, de l’export de la musique française en synchronisation, des financements pour la création avec la SACEM, le Bureau Export, le bureau Occitanie et le réseau OCTOPUS.

Le festival sera également l’occasion de remettre les prix lycéens de la création de l’auteur, compositeur et interprète de l’année. Au programme également, un remise des prix des meilleures synchronisations (meilleure musique de film sur un film « LoL », « court moins de 5mn », une générique de documentaire culinaire et d’un « girl power »).

Quelle est la différence entre ce festival et EditA Event, le salon dédié à l’édition musicale qui se déroule à Paris, que tu présides également ?

EditA est un salon dédié à l’édition musicale et au métier d’éditeur alors que les sujets abordés par le festival CréaMusic tournent autour de la synchronisation musicale (mettre des chansons pré-existantes dans des films, séries, publicités, etc.) et la musique à l’image (composer une musique spécialement pour un film, série, publicité, etc.).

En tant qu’éditrice et présidente de la Fédération Eifeil, quels sont les enjeux de l’édition musicale ces 5 prochaines années que tu as identifiés ?

Le CNM ! Aujourd’hui, on est en phase de finalisation et du lancement de cet outil indispensable, après une mobilisation forte de toute la filière, un financement annoncé par l’état sur les 3 prochaines années et une gouvernance fraîchement mise en place.

On sait tou.te.s que son succès sera entre les mains de Mr Jean-Philippe Thiellay, président du CNM, que l’on souhaite à l’écoute de chacun et de toute la filière. Nous souhaitons faire perdurer l’image qui fut celle portée par Catherine Ruggeri avec brio dans toute la phase de préfiguration et qui a agit tout au long de ces 6 derniers mois en concertation permanente et une vigilance des équilibres fragiles de la filière tout en oeuvrant dans l’intérêt général du CNM.

Un dernier mot pour la fin ?

La place des femmes dans la musique !

Vaste sujet qui fait débat là où il n’y aurait pas lieu d’en avoir ! 84% des créateurs inscrits à la Sacem sont des hommes. Et les éditrices se comptent sure le doigts d’une main, peut-être deux mais pas plus….

Le CréaMusic Festival se déroulera les 12 et 13 décembre 2019 au Metronum de Toulouse : accréditation gratuite.

Vous pouvez suivre les actualités de CréaMusic sur leur site InternetFacebook et Twitter.

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