La ressource toujours ! Rencontre avec Pascale Miracle et Maxime Thibault de l’IRMA

En 2017, nous avions interviewé Gilles Castagnac, directeur de l’IRMA. Il présentait ce Centre de Ressources des Musiques Actuelles, incontournable dans le secteur et parlait déjà de la Ressource en ces mots : « En tant que fonction d’accompagnement et d’outillage — [elle] soutient les parcours individuels et amène plus d’autonomie, mais elle permet aussi de rendre visible, nourrir et élargir les débats. En cela, elle aide à extraire les conversations de l’enfermement de l’entre soi. En ces temps de bulles filtrantes, c’est un enjeu démocratique… ». Un discours toujours aussi actuel aujourd’hui, où la crise sanitaire du COVID-19 a changé le paysage de l’industrie musicale de manière soudaine et drastique.

Et dès le début du confinement, les équipes de l’IRMA ont mis un place un dispositif spécial de ressources utiles pour tous les acteurs de la musique, tout en continuant leurs missions habituelles. Nous avons donc choisi de donner la parole à deux personnes ‘ressources’ de l’IRMA : Pascale Miracle et Maxime Thibault. Ensemble, ils reviennent sur les dispositifs mis en place, font part de leur réflexion sur la situation aujourd’hui… et vous donnent plein de ressources supplémentaires. Bonne lecture !

Pouvez-vous présenter votre parcours et ce que vous faîtes à l’IRMA aujourd’hui ?

Pascale : Mon parcours se situe dans un balancement entre des collaborations « sérieuses » avec des lieux et des structures ou des festivals de musiques actuelles, et un égarement nécessaire au sein des collectifs rock, des squats, des créations d’artistes hors cadre dans des salles enfumées et souterraines… J’assume assez bien ce balancement qui m’a permis d’être au contact depersonnes, structures, manières de voir et de faire complètement différentes les unes des autres. Actuellement je travaille principalement avec la structure de tournée Voulez-vous Danser et avec le label CryBaby. Je travaille à l’IRMA depuis septembre 2019 sur la mission de conseil et d’orientation. Mon travail consiste à informer et orienter tous les acteurs qui composent l’écosystème du secteur musical.

Maxime : Mon parcours est relativement court à vrai dire. En parallèle de mes études au sein de l’IEP de Toulouse, je me suis impliqué pendant deux ans dans une asso culturelle toulousaine appelée Aparté organisant des événements entremêlant les arts dans divers lieux de la ville rose. J’ai ensuite travaillé un été au sein du Jardin Imparfait. Puis à la fin de mes études, en parallèle d’un mémoire sur le vinyle dans le mouvement techno, j’ai rejoint Vinyl It, une jeune startup spécialisée dans la création de vinyle à l’unité (mais aussi un disquaire en ligne). La structure a dû cesser ces activités et j’ai rebondi du côté de Soundcharts, la plateforme d’analyse de données musicales en temps réel où j’ai pu me plonger dans le fonctionnement international de la filière. Après deux ans et demi, j’ai saisi l’opportunité offerte de rejoindre l’Irma. Je suis arrivé en mars pour reprendre le pôle Innovation dont les contours et mission ont été dessinées par mon prédécesseur Fabrice Jallet, et j’ai aussi vocation à structurer un nouveau pôle d’expertise autour de la Transition Écologique en agrégeant toutes les ressources et initiatives disponibles.

Vous animez chacun une permanence de conseil pour l’IRMA : à qui s’adressent-elles ? Comment peut-on y accéder ?

Pascale : J’anime les permanences « Conseil Musique ». Ces permanences s’adressent à tous les acteurs qui composent l’écosystème du secteur musical : artistes, managers, producteurs de spectacles, producteurs phonographiques, éditeurs, etc. En bref, tous les individus qui à leur endroit de travail peuvent avoir un questionnement. Ce questionnement peut être purement technique (questions fiscales, cadre légal…) ou beaucoup plus large (développement de son parcours, choix de ses partenaires de travail par exemple…). Les permanences gratuites sont ouvertes normalement toutes les semaines, habituellement le lundi sans rendez-vous et le mardi sur rendez-vous de 14h à 18h, ainsi qu’en chat le mardi de 19h à 20h. En ce moment nous avons modifié les permanences qui s’effectuent les lundis et vendredis de 14h à 16 h par mail, chat ou visio, et nous avons mis en place l’émission « En-Quête d’Info » afin d’informer le plus de monde possible sur les questions Covid.

Maxime : J’anime la permanence de « Conseil Innovation » qui s’adresse à tous les porteurs de projets innovants qui souhaitent développer leur activité dans le secteur musical mais aussi à tous les acteurs de la filière en recherche de solutions permettant d’améliorer leur travail quotidien. Arrivé pendant le Covid, je me suis calqué sur les horaires de disponibilité du Conseil pendant le confinement : à savoir le lundi et le vendredi de 14h à 16h par chat/email/visio. Au sortir du confinement, et suivant les dispositions sanitaires, je reprendrai progressivement une permanence physique auquel les gens pourront accéder via un formulaire en ligne.

Depuis le début de la crise sanitaire, quelles sont les remontées terrain et/ou inquiétudes récurrentes que vous constatez de la part des professionnel.le.s du secteur ?

Pascale : Au début, les inquiétudes majeures ont été évidemment économiques. Pour les structures, les questions portaient principalement sur les dispositifs de soutien et leur activation/mise en place. Le chômage partiel a été une question récurrente et à juste titre car ce dispositif n’avait jamais été pensé dans le cadre de l’intermittence. Les informations tombaient au compte-gouttes et les logiciels de paie ont eu besoin d’un peu de temps pour s’adapter. Aujourd’hui, dans l’ensemble, on commence à y voir plus clair côté paye. Mais il reste encore de nombreuses questions concernant les dispositifs.
Pour les artistes, au début, les questions portaient sur les changements annoncés des annexes de l’intermittence et sur le maintien ou la compensation de leur salaire. L’émission « En-Quête d’Info »que l’on a faite à ce sujet a d’ailleurs été très suivie en live.
Maintenant, plus on avance, plus les questions se portent aussi sur les alternatives (livestream, concerts en petit comité…). Les personnes cherchent d’autres solutions, imaginent de nouvelles activités.

Maxime : Il s’avère que durant le confinement, l’Irma a poursuivi son enquête sur l’Innovation dans le secteur musical. C’est grâce à cette enquête dont les résultats seront présentés en octobre au MaMA, que j’ai pu me rendre compte des incertitudes et sentiments divers affectant les prestataires techniques, les sociétés établies et les startups innovantes du secteur. Rien que sur le live, les billettistes et autres prestataires techniques ont vu une bonne partie de leurs revenus disparaître et l’incertitude qui pèse sur la réouverture des lieux et la possibilité des événements en plein air ne fait que maintenir leurs inquiétudes sur la suite.
Certaines nouvelles initiatives sont aussi nées durant le confinement, je songe à celle de MyOpenTickets Lab, Yurplan et Omnilive qui ont offert une solution commune de billetterie pour des événements virtuels. Mais aussi Shotgun qui avec Shotgun Disdancing a dans un premier temps a recensé les lives sets sur la plateforme puis mis en place une billetterie virtuelle pour certains événements. Voir enfin le dispositif d’accélération « Next Stage Challenge » porté par une foule d’acteurs européens dont la Sacem et The Link qui compte Jamspace parmi les projets sélectionnés.

Au début du confinement, vous avez donc lancé une rubrique spéciale COVID-19 sur le site Internet de l’IRMA. Pouvez-vous nous la présenter ? A quels besoins et interrogations permet-elle de répondre ?

Maxime : La rubrique spéciale répond à l’une des missions fondamentales de l’Irma qui est celle de regrouper et structurer toute les ressources existantes de la filière musicale. La page Covid-19 ne déroge pas à la règle, elle a pour but de compiler et de structurer toute la ressource disponible concernant l’impact de la Covid19 sur la filière musicale.
Elle comprend toute une veille des publications faisant référence au Coronavirus et au secteur musical entendu au sens large. On y trouve aussi toute la liste des mesures prises et des nouvelles aides créées par les autorités, ainsi que la liste des enquêtes menées sur le terrain. Une FAQ a aussi été construite pour répondre rapidement aux différentes problématiques soulevées par virus et les mesures sanitaires prises pour y faire face. A cela il faut ajouter l’agenda des prochaines conférences, webinaires ou panels sur le sujet.
Enfin, et non des moindres, sont présents aussi les liens de l’émission Facebook qui s’est développée en parallèle de la création de la page, En-Quête d’Info. Cette dernière est totalement complémentaire puisqu’elle inclut à chaque numéro une revue de presse listant les nouvelles mesures et informations disponibles depuis la dernière émission.

Depuis le 26 mars, l’IRMA diffuse en direct sur Facebook, tous les jeudis, l’émission « En-quête d’infos », animée par Pascale. Comment choisissez-vous les thèmes que vous abordez ?

Pascale : C’est un grand travail d’équipe. On a une réunion de rédaction toutes les semaines. On se sert de la veille de tout le monde, des questions qui peuvent nous être posées, des suggestions d’auditeurs, pour dégager les thèmes qui pourraient être clés pour le plus grand nombre.

Maxime : Pascale a tout dit, j’ajouterai juste que nous sommes désormais passé à un rythme bimensuel au sortir du confinement.

Quels sont les prochains thèmes que vous allez aborder ?

Maxime : On peut d’ores et déjà dévoiler le thème de la prochaine émission “Développement et carrières d’artiste: une année noire?”, cette dernière se déroulera le jeudi 11 juin à 14h30<. Comme l’a précédemment indiquée Pascale, les thèmes étant le fruit d’une multitude de paramètres, nous n’avons pas encore arrêté complètement celui pour l’émission du 25 juin.

Que change le début de déconfinement pour la filière musique à votre avis et comment s’annonce le reste de l’année ?

Pascale : Question un peu difficile à ce stade. Plutôt que de jouer les Cassandre, avant tout, il faut accepter le fait de ne pas savoir. Pour le moment, malgré les annonces faîtes jeudi 28 mai, on ne sait toujours pas dans quelles conditions va s’opérer le déconfinement pour les salles de spectacle. Et il est trop tôt pour pouvoir avoir une analyse de ce début de déconfinement pour ceux qui ont pu rouvrir, comme les disquaires, les luthiers et les vendeurs d’instruments par exemple.

La seule chose que l’on peut dire, c’est qu’au-delà de l’économie qui s’écroule, il y a la question de l’épuisement mental des acteurs…C’est très compliqué de devoir défaire et refaire son travail plusieurs fois sans avoir vraiment de perspective de reprise. Je pense que c’est un point qu’il ne faut pas négliger et sur lequel il va falloir rester vigilant. L’inquiétude empêche de penser librement.

Un dernier mot pour la fin ?

Maxime : Oui je voudrais en profiter pour évoquer le fait que l’Irma continue ses formations mais de manière digitale et inviter tous ceux qui souhaiteraient se former à consulter la liste de celles disponibles sur notre page dédiée.

Vous pouvez suivre l’IRMA sur leur site Internet, leur page Facebook où sont diffusés en direct les émissions « En-Quête d’Info », leur compte Twitter, et leur chaîne YouTube sur lesquels les replays de l’émission sont disponibles.

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