MaMA Invent 2018 – Streaming & Live : la grande convergence

Le 18 octobre, nüagency a organisé un panel sur le thème « Streaming and Live : la grande convergence », dans le cadre du MaMA Invent 2018. Cette table ronde, animée par Emily Gonneau, était composée Marion Gabbaï, directrice & booking de My Favorite, Brendan Ropars, directeur commercial Festicket pour les pays francophones et Guillaume Crisafulli, co-fondateur de Make The Link.

Emily Gonneau a ouvert le débat sur cette phrase : « Le mur de Berlin entre la musique enregistrée et le spectacle vivant commence à se fissurer. » Les convergences entre ces deux écosystèmes s’accélèrent : des playlists Spotify partent en tournée, de nombreux rachats de festivals et de solutions de billetterie s’opèrent… Quels enjeux et impacts sur la découvrabilité et le développement d’artistes, l’expérience live des spectateurs, la diversité de l’offre et les choix de programmation, les attentes et usages des fans de musique ?

Brendan Ropars, directeur commercial de Festicket pour les pays francophones est intervenu en premier et a présenté la récente intégration de leur solution de billetterie et de découvertes d’événements avec l’API de Spotify. Les utilisateurs peuvent désormais découvrir une sélection de festivals dans le monde entier suggérée sur la base de leurs recherches et écoutes sur Spotify. La version bêta – déjà très efficace – est encore en cours de développement, et Festicket prévoit l’intégration avec d’autres plateformes de streaming, telles que Deezer et Apple Music notamment.

Marion Gabbaï, directrice & booking de My Favorite a ensuite évoqué ses usages du streaming en tant que professionnelle : si le streaming est aujourd’hui un outil comme un autre pour monter une programmation sur des festivals comme Rock en Seine (40 000 personnes/jour), et Levitation (2000 personnes/jour) à Angers, ce n’est pas tout. « Les chiffres d’écoutes ne sont pas des arguments majeurs pour monter une programmation. » Par ailleurs, cela dépend des publics. Le festival Levitation accueille un public de personnes âgées de 30 et 45 ans sur une esthétique de niche et pour qui le streaming ne fait pas forcément fait partie de leurs usages : un élément important à prendre en compte.

Emily Gonneau a ensuite rappelé un chiffre : en 2014, 51% des américains qui s’étaient rendus à un festival l’avaient fait suite à la découverte d’un artiste sur une plateforme de streaming.

Guillaume Crisafulli, co-fondateur de Make The Link a ensuite présenté sa plateforme, qui permet de créer des campagnes avec des social logins autour d’une actu forte d’artistes, permettant de récupérer des informations sur les fans. « La convergence existe chez nous : les utilisateurs qui passent sur nos pages se connectent avec Spotify, une autre plateforme de streaming ou YouTube pour découvrir des artistes ou gagner des places de concert. » Make The Link permet notamment d’engranger de la data sur les fans, et de pourquoi pas, proposer des dates de concerts dans certaines villes, en fonction de leur répartition sur le territoire.

Emily Gonneau est donc revenue sur la question des données : les artistes possèdent de plus en plus de statistiques sur leurs communautés de fans, que ce soit via les réseaux sociaux ou des plateformes comme BandsInTown ou Songkick, qui nouent aujourd’hui des partenariats avec des plateformes de streaming. Ces données sont-elles prises en compte pour la programmation d’artistes au sein d’un festival ? Pas pour Marion Gabbaï : « Les décisions que l’on prend ne sont pas encore basées là-dessus », notamment sur un festival comme Rock en Seine, situé dans une zone de forte concurrence entre événements (du fait qu’il soit parisien notamment) et où il est question d’artistes confirmés.

Le territoire reste également important pour Festicket : si la convergence entre streaming et live se généralise, il existe encore des différences d’usage selon les territoires donnés. Par exemple, en Espagne et Portugal, l’acte d’achat d’un billet de concert ou de festival se fait encore en physique, dans la rue, contrairement à la France, où l’achat en ligne s’est beaucoup développé.

Pour Guillaume Crisafulli, il est intéressant de voir qu’aujourd’hui, « on peut avancer main dans la main entre tourneurs et labels. Ce n’est pas évident de développer un artiste : si on peut parler avec une même personne sur le même sujet, pour faire de la promotion commune, faire tomber le mur de Berlin, cela bénéficierait grandement aux artistes. » Aujourd’hui, les données du streaming et du live permettent d’enrichir la connaissance de l’audience d’un artiste, de pouvoir lui parler directement et de recruter de nouveaux fans grâce à une communication ciblée.

Emily Gonneau a ensuite présenté les offres qui permettent aux artistes indépendants de mettre en ligne leur musique directement sur Spotify notamment, sans passer par des distributeurs. Mais est-ce que les artistes vont décider de ne parier que sur une seule plateforme ? Est-ce que les publics de festivals sont plus sur une plateforme qu’une autre ?

Pour Marion Gabbaï, les données des plateformes de streaming ne sont pas suffisamment connues et développées pour être prises en compte. Cependant, elle a évoqué Dice, une plateforme de billetterie britannique qui fonctionne comme Festicket, en scannant les écoutes Spotify des utilisateurs pour leur proposer des concerts en villes : « La vision de Dice, c’est que les gens qui utilisent Spotify se rendent à des événements. » Guillaume Crisafulli et Brendan Ropars ont précisé que l’engagement n’est pas le même pour un abonné payant ou gratuit, et aujourd’hui, les publics basculent très facilement d’une plateforme de streaming à l’autre, en fonction de leurs évolutions techniques.

Enfin, Emily Gonneau a posé la question de la découvrabilité des artistes : qu’est-ce que la convergence change à ce paradigme ?

Pour Guillaume Crisafulli, le streaming profite vraiment au live aujourd’hui et a fortement influé les tournées. Par ailleurs, le live et les festivals jouent depuis toujours le rôle de filtre, de sélection pour le public, comme l’a rappelé Marion Gabbaï, et aujourd’hui, les plateformes de streaming le font aussi grâce aux playlists. Le streaming permet également aujourd’hui de découvrir de nouveaux festivals dans le monde entier : « la compétition entre festivals n’est plus nationale, mais internationale », a rappelé Brendan Ropars.

Suite à ce premier échange entre les invités du panel, une question – très pertinente- du public a été posée sur l’engagement du public sur le streaming vs. sur le live. Pour des artistes dont la majorité de la consommation de ses titres provient de playlists, l’engagement n’est-il pas plus faible en concert ? Si un artiste a un public plus important sur une plateforme de streaming que d’autres, cela ne donne-t-il pas un aspect démesuré au public de l’artiste ? Pour Marion Gabbaï, une écoute n’équivaut pas à un billet acheté : « je suis persuadée que certains artistes sont écoutés, mais que les gens ne se déplacent pas en concert pour les voir. » Le streaming est un outil qui peut conforter des sentiments, apporter sa pierre à l’édifice d’une programmation, mais ce n’est pas un élément sur lequel se baser complètement.

Emily Gonneau est revenue sur la playlist Rap Caviar de Spotify, partie en tournée avec Live Nation. « Un format live reproduit une playlist et inversement, comme lorsque des festivals font des playlists de leur line-up. » Pour Guillaume Crisafulli, le lancement de cette tournée s’appuie notamment sur les données de Spotify sur les écoutes des playlists (qui ne sont pas publiques), et le savoir-faire de Live Nation, premier promoteur international.

Le mot de la fin d’Emily Gonneau pour conclure ce panel : « Le mur de Berlin entre streaming et live est déjà tombé, et il va falloir qu’on s’habitue à ce nouveau paradigme ! »

Vous pouvez ré-écouter cette conférence sur le site du MaMA. 

Et pour aller plus loin sur ce sujet :

– Beware the return of the 360° Zombie (and what that means for the music industry) – Emily Gonneau, (octobre 2018)

– YouTube vient de nouer un partenariat avec la billetterie Eventbrite (octobre 2018)

– Tous les chemins mènent au live : streaming et billetterie, main dans la main – Emily Gonneau (octobre 2016)

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